Lettre du pape François « APERUIT ILLIS » du 30 septembre 2019
10. Avec Jésus Christ, la révélation de Dieu atteint son accomplissement et sa plénitude ; pourtant, l’Esprit Saint continue son action. En effet, il serait réducteur de limiter l’action de l’Esprit Saint uniquement à la nature divinement inspirée de l’Écriture Sainte et à ses différents auteurs. Il est donc nécessaire d’avoir confiance en l’action de l’Esprit Saint qui continue à réaliser sa forme particulière d’inspiration lorsque l’Église enseigne l’Écriture Sainte, lorsque le Magistère l’interprète authentiquement et quand chaque croyant en fait sa norme spirituelle.
11. Dei Verbum (C’est la Constitution dogmatique sur la révélation divine du Concile Vatican II) précise que « les paroles de Dieu, passant par les langues humaines, sont devenues semblables au langage des hommes, de même que jadis le Verbe du Père éternel, ayant assumé l’infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes ». C’est comme dire que l’Incarnation du Verbe de Dieu donne forme et sens à la relation entre la Parole de Dieu et le langage humain, avec ses conditions historiques et culturelles. C’est dans cet événement que prend forme la Tradition, qui elle aussi est Parole de Dieu. On court souvent le risque de séparer entre elles l’Écriture Sainte et la Tradition, sans comprendre qu’ensemble elles sont l’unique source de la Révélation. Le caractère écrit de la première ne diminue en rien le fait qu’elle soit pleinement parole vivante ; de même que la Tradition vivante de l’Église, qui la transmet sans cesse au cours des siècles de génération en génération, possède ce livre sacré comme la « règle suprême de la foi ». D’ailleurs, avant de devenir un texte écrit, la Parole de Dieu a été transmise oralement et maintenue vivante par la foi d’un peuple qui la reconnaissait comme son histoire et son principe d’identité parmi tant d’autres peuples. La foi biblique se fonde donc sur la Parole vivante et non pas sur un livre.
12. Lorsque l’Écriture Sainte est lue dans le même esprit que celui avec lequel elle a été écrite, elle demeure toujours nouvelle. L’Ancien Testament n’est jamais vieux une fois qu’on le fait entrer dans le Nouveau, car tout est transformé par l’unique Esprit qui l’inspire. Tout le texte sacré possède une fonction prophétique : il ne concerne pas l’avenir, mais l’aujourd’hui de celui qui se nourrit de cette Parole. Jésus lui-même l’affirme clairement au début de son ministère : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 21). Celui qui se nourrit chaque jour de la Parole de Dieu se fait, comme Jésus, contemporain des personnes qu’il rencontre ; il n’est pas tenté de tomber dans des nostalgies stériles du passé ni dans des utopies désincarnées vers l’avenir.
L’Écriture Sainte accomplit son action prophétique avant tout à l’égard de celui qui l’écoute. Elle provoque douceur et amertume. Rappelons-nous les paroles du prophète Ézéchiel lorsque le Seigneur l’invite à manger le rouleau du livre, il confie : « dans ma bouche il fut doux comme du miel » (cf. 3, 3). Même l’évangéliste Jean sur l’île de Patmos revit la même expérience qu’Ézéchiel de manger le livre, mais il ajoute quelque chose de plus spécifique : « Dans ma bouche il était doux comme le miel, mais, quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume » (Ap 10, 10).
L’effet de douceur de la Parole de Dieu nous pousse à la partager avec ceux que nous rencontrons au quotidien pour leur exprimer la certitude de l’espérance qu’elle contient (cf. 1 P 3, 15-16). L’amertume, à son contraire, est souvent offerte lorsqu’on saisit à quel point il nous est difficile de vivre la parole de manière cohérente, ou se voit même refusée d’être touchée du doigt parce qu’elle n’est pas retenue valable pour donner un sens à la vie. Il est donc nécessaire de ne jamais s’accoutumer à la Parole de Dieu, mais de se nourrir de celle-ci pour découvrir et vivre en profondeur notre relation avec Dieu et avec nos frères.