Notre Dame du Rocher

VIIIᵉ DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

VIIIᵉ DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Nous voici donc au dernier dimanche avant d’entrer dans le temps où, selon les mots du Sage dans la première lecture, il va nous falloir « secouer le tamis » pour évacuer les déchets de nos vies. Avant d’entrer dans ce temps de purification et de bienveillance, l’Évangile nous interroge sur notre regard et les fruits qu’il produit. « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? »
    Dans la Bible, la poutre évoque la solidité et la structure des maisons et fait souvent référence au Temple. L’époux et l’épouse du Cantique des Cantiques s’exclament : « Les poutres de notre maison sont de cèdre, nos lambris de cyprès (1,17) », et la note de la Bible de Jérusalem attachée à ce verset souligne que cèdre et cyprès sont des matériaux de choix tant du Temple de Jérusalem que du palais de Salomon. On sait, par ailleurs, que ce poème d’amour est une allégorie de l’union de l’âme à Dieu et de l’Église au Christ. Voici donc que cette poutre, symbole de ce qui structure sa charité, le croyant peut, et c’est alors paradoxalement un aveuglement de sa part, en faire un microscope pour scruter dans la vie des autres le moindre fétu de paille. Paille sur laquelle pourtant le Verbe fait chair reposa au jour de sa naissance.
    Il est terrible, cet aveuglement qui fait de nos convictions religieuses et spirituelles le tamis de la vie des autres. L’Évangile ne manque pas de passages où Jésus en fait reproche aux pharisiens et aux scribes qui filtrent pour les autres le moucheron, mais avalent le chameau (cf. Mt 23,24). Nous devons, me semble-t-il, recevoir cet Évangile non pas d’abord comme une leçon moralisatrice, mais comme l’invitation à une prise de conscience. Nous avons besoin d’être guéris de nos aveuglements, de faire nôtre cette réponse de l’aveugle de Jéricho à Jésus qui lui demandait : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? - Seigneur, que je voie ! » (Lc 18,41).
    Cette poutre, devenue la lorgnette de la prétention religieuse et la source de l’aveuglement humain, le Christ en chargera ses épaules. D’une poutre qu’Il portera sur le chemin du Calvaire jusqu’au Golgotha, sa Croix deviendra la lampe mise sur le boisseau, la poutre glorieuse qui illumine désormais l’humanité. Ainsi accomplit-Il la promesse de son Père en réalisant la prophétie d’Isaïe : « Alors je conduirai les aveugles sur un chemin qui leur est inconnu ; je les mènerai par des sentiers qu'ils ignorent. Je changerai, pour eux, les ténèbres en lumière et la pierraille en droites allées. » (Is 42,16).
    Accueillons dès lors le conseil de l’ange de l’Apocalypse à l’Église de Laodicée : « Achète chez moi un remède pour l’appliquer sur tes yeux afin que tu voies. Moi, tous ceux que j’aime, je leur montre leurs fautes, et je les corrige. Sois fervent et convertis-toi. » (Ap 3,18-19).
    Peut-être pourrais-je prendre le temps aujourd’hui de m’interroger sur la qualité de mes regards ? Regards sur les autres, regards sur les écrans, regards sur soi-même ?
 Don Bruno
Publié le 28/02/2025